Dans les rencontres avec Jésus, on est frappé par le nombre de délivrances ou d’exorcismes. Quel est ce mal contre lequel Jésus lutte, quel est celui qui nous ronge au plus profond et quelle est cette foi absolument nécessaire pour y faire face ? C’est à cette réflexion que nous invite ce passage.
Commençons par cette présentation générale du ministère de Jésus au début de l’évangile de Matthieu : « Sa renommée se répandit dans toute la région et on lui amenait tous ceux qui souffraient, en proie à toutes sortes de maladies et de tourments – démoniaques, lunatiques, paralytiques – et il les guérit ».
La présentation de son action est totale, absolue ! C’est inimaginable ! Quand on parle des miracles de Jésus, on relève souvent ces deux aspects : Jésus guérit des maladies et chasse les démons. Il est important de comprendre que ces deux aspects sont reliés. L’un touche à la libération profonde de ce mal mystérieux qui nous rend captif, l’autre à la restauration de notre intégrité/dignité. Pour bien comprendre, il importe aussi de se replonger dans l’univers antique : Jésus, ce n’est pas un service médical. Jésus vient apporter Dieu sur la terre, révéler l’absolu de son amour infini. Aussi, il entre dans l’arène de notre humanité afin de saisir le mal à sa racine et le neutraliser ! Nous touchons une dimension spirituelle qui requiert une démarche de foi. Explorons cela dans notre passage.
« Seigneur, prends pitié de mon fils. Il est épileptique et il souffre beaucoup : il tombe souvent dans le feu ou dans l’eau. Je l’ai amené à tes disciples, mais ils n’ont pas pu le guérir.
L’enfant souffre « d’épilepsie ». On disait de ces malades qu’ils étaient influencés par la lune, ou possédés par un mauvais esprit. Aujourd’hui, face aux symptômes dont nous parle le texte, nous irions voir différents médecins, dont un psychiatre. Et à raison. La question de la santé mentale est troublante. Il faut toutefois admettre que la psychiatrie arrive aussi à ses limites. Quelle est la frontière entre la psychiatrie et la possession ?
Cette question du mal, du monde du mal, de ce qui se cache derrière certains comportements humains est complexe : y aurait-il des forces obscures à l’œuvre ? Nous avons beaucoup de curiosité aussi. La Bible ne cherche pas à la satisfaire. Elle veut plutôt nous mettre en garde, nous équiper, nous responsabiliser pour y faire face. Le langage biblique ne vise pas l’exactitude d’un diagnostic au sens moderne du terme. Les récits dans les évangiles frappent plutôt notre imagination.
Voyez d’ailleurs le langage pour dire le mal dans la Bible : le serpent, la bête tapie à la porte de notre cœur, les dragons, les bêtes qui sortent de la mer, le diable, le Satan… Tant de termes généraux pour personnifier l’esprit du mal qui rôde. Le plus important, c’est qu’il n’est pas une divinité. Dans le monde biblique, le « mal » et le « bien » ne sont pas à égalité. Toutefois, c’est important de comprendre qu’au-delà de ces réalités mystérieuses, il y a du langage pour dire le chaos qui menace, les pulsions de destruction qui nous habitent, une influence externe qui nous incite à faire ce qui est mal : cela pour dire que ce mal absolu n’est pas gravé en nous : nous avons été créés bon pour refléter Dieu sur la terre et poursuivre son œuvre créatrice.
Revenons au texte : voyez ce pauvre enfant qui se jette dans l’eau et le feu, deux mots parfois employés comme symbole de destruction. C’est plus fort que lui. Aujourd’hui encore, nous utilisons des mots pour dire le mal qui nous atteint : addiction, emprise, liens, possession, domination, toxicité, rage, déni, imprévisibilité … C’est vrai, il y a une force/une
méchanceté/une pulsion d’(e) (auto)destruction plus forte que nous à l’œuvre au milieu de notre humanité. C’est difficile d’en faire une analyse scientifique.
Le livre aux Ephésiens nous laisse aussi cette célèbre formule.
« Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable. Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.… » Ephésiens 6 : 12
Inversement quand quelqu’un est bien, on dit qu’il est apaisé, confiant, sain d’esprit, pardonné, comme l’homme possédé de Génésareth après sa rencontre avec Jésus : « Ils arrivent auprès de Jésus et voient l’homme qui avait été possédé par une légion d’esprits impurs : il était assis, habillé et il avait toute sa raison » (Marc 5 :16).
Comment cheminer vers la délivrance ? Comment lutter contre les forces du mal ? Jésus met en garde : ce n’est pas n’importe quel combat, c’est le combat contre l’accusateur, le diviseur. Il ne faut pas jouer à faire le malin. Ce n’est pas un jeu, un spectacle au risque de se faire mordre et d’empirer la situation.
Jésus interpelle les disciples à propos de leur manque de foi, de leur incapacité à prier, à jeûner même (cf. Marc 9 :14-29). Prier, jeûner, ce n’est pas de la performance. C’est une disposition profonde de dépouillement et de dépendance à Dieu. La foi, c’est cela : Christ au centre. Il importe d’y être bien enraciné pour s’aventurer contre les forces du mal.
L’exorcisme, c’est le fait de s’adresser directement au « démon », ce que fait Jésus : « Il rabroua le démon qui sortit du garçon, et celui-ci fut guéri dès ce moment même ». Il faut être prudent. Beaucoup d’Eglises ont ritualisé ces prières.
Il y a beaucoup d’abus dans certaines églises. On ne s’improvise pas Jésus mais on peut trouver des frères et sœurs qui prient paisiblement, humblement et fermement dans la confiance que le Seigneur achèvera ce qu’il commence. Les démons chassés, c’est comme les guérisons : dans les Evangiles, tout s’accomplit parfaitement pour nous signifier que tout est résolument en route vers l’accomplissement final. Voyez la demande de Jésus à ses disciples avant de les envoyer, il y a un excès de langage : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » (Matth 10:8).
La foi en cette action de Dieu, pour nous concrètement, c’est comme cette petite graine de moutarde dont parle notre passage. Ici-bas, nous inaugurons, nous sommes dans le jardin des petits commencements. Le dynamisme s’inverse, le bien, la vérité finira par triompher car le Seigneur ne nous abandonne pas. Voyez ce texte de Luc 10 :17-19 « Les soixante-douze revinrent avec joie et dirent : Seigneur, même les démons nous sont soumis par ton nom. Il leur dit : Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. Je vous ai donné l’autorité pour marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi, et rien ne pourra vous faire de mal. »
C’est une promesse qui nous met en route vers la Lumière éternelle.
Luc